Les palmiers m'accueillent dès la sortie de l'avion. La chaleur enrobe mes épaules. En attendant mes valises, je ne peux retenir mes larmes. Un mélange de nostalgie et de tristesse m'envahit après avoir attendu plus de dix ans avant de remettre les pieds sur l'île de mes souvenirs d'enfance. Ce voyage signifie tant pour moi, c'est la première fois que je vais seule en Guadeloupe.

Ayant toujours été profondément attachée à mes origines, j'ai passé mes étés en Martinique et en Guadeloupe avec mes parents. Côté maman, c'était la Martinique, côté papa, la Guadeloupe. La plage, le beau temps, la convivialité des gens, la nourriture... Tout concourait à mon attachement à ces îles. Cependant, à l'âge de 6 ans, je ne réalisais pas que la Guadeloupe ne se résumait pas seulement au soleil permanent, à l'eau turquoise et aux douceurs locales.

J'ai toujours grandi dans un environnement imprégné de mes origines antillaises. Ma mère, arrivée en métropole, a conservé l'habitude de fréquenter des Martiniquais, que ce soit dans son cercle familial ou amical, pour rester connectée avec son île. Ainsi, lors de ses soirées, le créole était souvent de mise. Malheureusement, elle ne m'a jamais appris la langue, mais à force de l'entendre au téléphone ou lorsqu'elle me disputait, je l'ai finalement comprise naturellement.

Les odeurs et saveurs antillaises ont également marqué mon quotidien. Au menu : dombrés aux crevettes, bokits, accras et boudins. La table du salon était toujours ornée d'une nappe madras, typique des Antilles. Mon père, lui, aimait me parler de sa Guadeloupe natale à travers sa richesse musicale.

Toutefois, en grandissant, je ne me suis plus sentie à l'aise avec le statut de consommatrice qui venait aux Antilles juste pour profiter. J'avais l'impression inconfortable d'être une simple touriste. J'ai alors voulu comprendre la réalité quotidienne de la population locale, ce qui ne nous est pas montré. J'ai commencé à me renseigner en suivant le travail de certains journalistes sur Twitter, comme Sélène Agapé, et de médias indépendants comme Resca.

La question de la légitimité revient fréquemment sur les réseaux sociaux. D'après les Antillais locaux/natifs, nous, ceux "d'origine", utilisons les Antilles pour nous mettre en avant, sans réel intérêt pour la région. Ils nous reprochent de parler de zouk sans savoir danser cette musique, sans même comprendre les paroles, ou de ne pas connaître l'histoire de nos terres.

C'est pour cela que j'ai pris la décision d'y retourner. La crise sociale qui a éclaté aux Antilles fin 2021 a été le déclencheur de mon départ. J'ai passé trois mois là-bas, seule avec mon grand-père. Ce séjour m'a permis de réellement saisir ce que vivent les Ultramarins.

Par exemple, chez mon grand-père, des tonnes de bidons bleus remplis d'eau s'entassent. Ils sont répartis dans toute la maison : sous la table de la cuisine, dans la salle de bains, dans les toilettes, dans le garage... Pourquoi ? Parce qu'à Sainte-Anne, l'eau est coupée aux habitants entre 20 heures et 5 heures, tous les deux jours. Cela devient rapidement invivable.

Malgré tout, j'ai pu profiter de la plage et me régaler de chichis. Plus le temps passait, plus je m'imaginais vivre là-bas sur le long terme. J'ai même retardé mon retour d'un mois. En quittant ma belle Guadeloupe, je me suis promise que la prochaine fois que je reviendrai, ce sera pour poser définitivement mes valises.

Coralie, 22 ans, étudiante, Argenteuil